Initialement publié le 31 juillet 2012
Je ne voudrais pas avoir l’air d’en remettre une couche, mais puisque le monde entier cause de Batman, il n’y pas de raison pour que les psys n’y mettent pas leur grain de sel.
Figurez-vous que Robin Rosenberg, psychologue clinicienne et friande de comics, s’est attelée à l’analyse psychologique de l’homme chauve-souris. Y aurait-il quelque chose qui cloche avec Batman ?
Analyse psychologique dans la pop culture
La psychologue, à la carrière peu conventionnelle, s’est déjà penchée sur des sujets relatifs à la pop culture, aux super héros et à leurs fans : en 2006, elle écrit sur la maturation émotionnelle des étudiants d’Hogwarts (The psychology of Harry Potter), en 2009, elle lance un livre sur la psychologie des super-héros… En 2010, Psychology Today lui offre même une rubrique sur le sujet.
Dans What’s the matter with Batman ? An unauthorized clinical look under the mask of the caped crusader (Qu’est-ce qui cloche chez Batman ? Une étude critique non autorisée sous le masque du justicier à la cape), Robin Rosenberg fait l’exercice d’une évaluation psychologique en considérant Batman comme une vraie personne, sans parler de ses auteurs, sans parler des contextes de parution des œuvres, en essayant « simplement » de déterminer s’il pourrait être atteint de l’un des troubles de la Bible du diagnostic psychiatrique – en l’occurrence le DSM IV TR.1 (et en envisageant plus spécifiquement un trouble dissociatif de l’identité, une dépression, un trouble obsessionnel-compulsif, un trouble de stress post-traumatique, un trouble de la personnalité antisociale).
Son objectif ? Divertir, et éduquer un peu. Amener quelques réflexions et parler de psychologie.
Robin Rosenberg ne pose pas de diagnostic ferme et définitif : elle reconnaît ne pas tout avoir vu/lu et invite même ses lecteurs à la contacter pour échanger, réviser ses conclusions, retravailler son analyse (si l’envie vous prend, vous pouvez donc la contacter à l’adresse donnée via son blog : [email protected]).
Trêve de galéjades, entrons donc dans le vif du sujet : Batman pourrait-il être un peu foldingue ? Sur son blog, Robin Rosenberg revient sur quelques indicateurs qui pourraient aiguiller le diagnostic.
Analyse psychologique du costume de Batman
Peut-on se déguiser en chauve-souris sans être délirant ?
Il faut bien le reconnaître : enfiler un costume de chauve-souris en public (ou même en privé, d’ailleurs), ça peut paraître un peu louche, mais est-ce fatalement le signe d’un désordre mental ? À ce rythme-là, c’est la porte à toutes les fenêtres et on ne pourra plus enfiler nos costumes de pingouins sans se faire emmerder.
Selon les explications de Rosenberg, le bat-costume ne permettrait pas de diagnostiquer un quelconque trouble psychologique : Bruce Wayne ne se prend pas vraiment pour une chauve-souris, il souhaite simplement cacher son identité lorsqu’il lutte contre le crime (ben quoi ? Ça vous est jamais arrivé, vous ?
Personne n’enfile son costume de Véronique et Davina pour lutter contre le capiton par ici ? Hein ?) et l’utilise pour susciter la peur chez ses ennemis (genre). C’est peut-être un peu farfelu, mais ce n’est pas incohérent – les uniformes permettent de signaler quel est le rôle de ceux qui les portent.
En revanche, si Batman était convaincu d’être une chauve-souris, nous aurions pu envisager un trouble schizophrénique, ou des illusions. S’il revêtait son costume sombre pour chercher une excitation sexuelle, nous aurions alors pensé à un comportement sexuel fétichiste.
S’il pensait « être » une personne différente en enfilant le costume, nous aurions pu parler d’un trouble dissociatif de l’identité.
Analyse psychologique du fait de dédier sa vie à une cause
Selon l’analyse de Rosenberg, Batman pourrait être l’image parfaite d’une évolution post-traumatique : il a vécu un évènement traumatique en assistant à l’assassinat de ses parents et a décidé de dédier sa vie à la lutte contre le crime. Est-ce de l’altruisme extrême ou un trouble psychologique ?
En décidant de se battre contre le crime, il est devenu plus fort, s’est donné de nouveaux buts. Il a donné du sens à une expérience traumatique – ce qui n’est pas rare chez les personnes ayant vécu ce type d’évènements (souvent, elles se tournent vers un militantisme social, fondent ou participent à des associations, etc.).
Rien n’est certain : cela pourrait témoigner d’un trouble comme d’une résilience accomplie.
Prendre des jeunots sous son aile et les lancer face aux super-méchants
Dans sa longue carrière de super-héros sans super-pouvoirs, l’homme chauve souris a eu l’air de kiffer
prendre de jeunes blancs-becs sous son aile (il fallait bien trouver le bon Robin) et l’a un peu joué façon Cercle des Poètes Disparus en se positionnant en mentor, l’adrénaline et le danger en plus.
Robin Rosenberg récapitule : il y aurait eu Dick Grayson (plus tard devenu Nightwing), Jason Todd (répondant par la suite au doux nom de Red Hood), Tim Drake (endossant le rôle de Red Robin), Stephanie Brown (l’une des batgirl) et Damian Wayne (le fils caché de Bruce, ué ué).
En fait, Batman n’a pas vraiment de vie romantique personnelle, a un style de vie bien dangereux MAIS accepte d’être responsable d’adolescents et de les exposer à des situations violentes : est-ce là l’indication d’un petit trouble psychologique ?
Pour l’auteur du livre, tout dépendrait de ses motivations – en ce qui concerne Bruce Wayne, cela viendrait d’un désir de guider et d’éduquer la prochaine génération (laquelle rappelle parfois à Bruce sa propre histoire).
En mettant en danger la vie de mineurs, et même si le mineur en question rêve de devenir le partenaire de Batman, c’est à l’adulte d’émettre le bon jugement – ce que Bruce Wayne ne fait pas. Pour Rosenberg, Batman fait donc des erreurs de jugement, ce qui n’indique cependant pas nécessairement un trouble psychiatrique.
Analyse psychologique de l’addiction aux médicaments contre la douleur
Ce qui est certain, c’est que Batman en prend plein la poire ; son corps est souvent meurtri (et Alfred panse la plupart du temps ses plaies).
Robin Rosenberg souligne le fait que certains opus montrent Batman prendre des médicaments contre la douleur : est-ce seulement pour soulager sa peine et continuer à aller castagner les vilains ou est-ce une addiction ?
Le verdict de la psychologue est sans appel ; Batman fait ce que les gens souffrant de douleurs chroniques font : ils acceptent la douleur, apprennent à la gérer et vivent tout de même.
Analyse psychologique de son rapport à l’argent
Bruce Wayne est méga-riche (du style millionnaire méga-riche) et utilise sa fortune pour financer ses bat-activités*. Rosenberg n’y voit cependant aucun signe de pathologie mentale : Wayne dépense un argent qu’il a pour soutenir les activités de Batman et se préparer du mieux possible pour protéger Gotham City, ce qui n’a rien d’insensé.
En revanche, s’il dépensait de façon compulsive pour des choses non nécessaires, ce pourrait être un signe d’épisodes maniaques relatifs à un trouble bipolaire.
Ou encore, s’il dépensait des montagnes de sous pour se protéger d’un ennemi qui n’existe pas vraiment, le diagnostic pourrait tendre vers la paranoïa.
Batman, ce no-life
Malgré quelques romances rapides et un fidèle Alfred, Bruce Wayne n’a pas vraiment de vie personnelle.
Disons que cet homme manque de temps : il joue à Batman (ce qui lui prend un temps considérable, ça ne doit pas lui arriver souvent d’avoir la flemme d’aller aux pilates, lui), il gère la Fondation Wayne et l’Entreprise Wayne (il n’a pas le temps d’être créatif niveau nom d’activités, du coup), il participe aux fêtes de ses semblables les riches pour protéger sa façade de joyeux luron millionnaire, bref : Batman, il n’a pas le temps d’aller faire ami-ami avec le premier venu.
Mais c’est probablement le cas pour beaucoup d’entre nous : entre vie professionnelle, vie associative, vie bénévole (je ne vous parle même pas du pilates), il est parfois compliqué de garder du temps pour rencontrer de nouvelles personnes et entretenir ses amitiés. Sans compter que son secret ne lui permet pas vraiment de raconter sa vie et de devenir proche de quelqu’un.
Analyse psychologique de Batman : le bilan
Récapitulons donc : certes, Batman a vu ses parents être assassinés, a décidé de lutter contre le crime en solo et enfile un costume de chauve-souris.
Certes, il sacrifie sa fortune personnelle pour sa cause, n’a pas de vie personnelle et a un léger côté obsessionnel.
Mais est-ce que ces éléments peuvent suffire à conclure quoi que ce soit de sa santé mentale ? Dans son ouvrage, Robin Rosenberg explique que la ligne entre le « différent-normal » et le « différent-anormal » est extrêmement floue : partout dans le monde, il y a des gens qui sont différents, pas forcément à la manière de Batman (tout le monde n’est pas hyper partant pour se déguiser en chauve-souris géante). Souffrent-ils pour autant de troubles psychiatriques ?
Robin Rosenberg ne donne pas vraiment de diagnostic à propos de la santé mentale de Bruce Wayne – ce qui est certain, c’est que les traits que nous avons mentionné ne suffisent pas à conclure à un trouble.
La psychologue insiste : la limite entre la santé mentale et la pathologie est plus fine que ce l’on croit ; il est crucial de ne pas enfermer les gens dans des boîtes simplement à cause de quelques signes**.
*Je sais, vous en avez bat-marre que je vous colle du « bat » devant chaque mot, et vous vous demandez probablement quand ce tic ridicule s’arrêtera. Eh bien : peut-être jamais.
**Mon cher et tendre, fan inconditionnel de Batman, avec toute la subtilité qui le caractérise, vient plus ou moins de me dire « MOUAIS » à la lecture de ce texte, en prenant son air de Sheldon Cooper et en ajoutant que bon, la psy ne doit pas VRAIMENT connaître toutes les histoires de Batman, hein, parce que Batman, dans l’oeuvre de Franck Miller, il est à la retraite et il devient complètement obsédé par les médias et entre dans un délire de contrôle et de toute puissance, d’ailleurs on le voit aussi dans TDK, alors bon, peut-être aussi que…. » ZZZZZZZZZZZZZZ – vous voyez le genre. Tout ça pour dire : je ne suis pas une fine connaisseuse du mythe Batman, j’espère bien ne pas avoir raconté trop de bêtises.
Pour aller plus loin sur Batman vu par la psychologie
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